Comoros: Revenus de la citoyenneté économique : L’Etat comorien compte saisir les biens de Cgh
Published: 30/Apr/2015
Source: Roinaka (blog)
FINANCES. Trois huissiers de justice sont appelés à procéder à la saisie des biens de Comoros Gulf Holding (Cgh) et à une vente aux enchères publiques, afin de recouvrer une partie de l’argent que la société de Bashar Kiwan doit au gouvernement comorien.
Enième rebondissement de l’affaire des revenus du Programme de citoyenneté économique : le ministère comorien des Finances publiques compte saisir tous les biens du groupe Comoros Gulf Holding (Cgh) se trouvant sur le territoire national. Après une procédure judiciaire engagée par les autorités comoriennes, la société du franco-syrien Bashar Kiwan a été condamnée par le Tribunal de première instance (Tpi) de Moroni à payer 16 millions de dollars, soit la coquette somme de 7 milliards de francs. Une somme que le groupe Chg refuse de payer, malgré une confirmation de la condamnation par la Cour d’appel. Selon le secrétariat général de la vice-présidence en charge des Finances, cet argent a été «frauduleusement soustrait» par le patron du holding des fonds générés par le programme de vente des passeports comoriens à des étrangers. Trois huissiers de justice sont appelés à procéder à la saisie de ses biens et à une vente aux enchères publiques, afin de recouvrer une partie de cet argent.
Il faut dire qu’une chape de mystère a toujours entouré les revenus issus de ce programme adopté en novembre 2008 dans la plus grande confusion par le parlement comorien. Seuls chiffres jusqu’ici rendus publics de façon officielle : 200 millions de dollars, soit plus de 70 milliards de francs, suite à la vente de passeports comoriens à 560 familles étrangères sur les 4.000 prévues dans le cadre dudit programme. 25 millions de dollars avaient été affectés comme aide budgétaire et 175 millions pour la réalisation de grands projets d’infrastructure. Le 20 juin 2009, un accord avait été signé par le gouvernement comorien et la Société Combined Groupe Contracting Co (K.s.c.c) pour la création de la société «Comoros combined groupe», supposée mener les travaux des infrastructures nationales.
Si une partie de cette manne avait été affectée à certains travaux de construction du réseau routier national et au paiement pendant un certain temps des salaires des fonctionnaires, des sommes importantes se sont volatilisées en cours de chemin vers des destinations qui restent encore à déterminer.
C’est la confusion totale quant au montant exact des revenus du programme. Le 18 août 2013, l’ex-président Ahmed Abdallah Sambi avait déclaré avoir laissé plus de 11 milliards de francs, issus des fonds de la citoyenneté économique, dans les caisses de l’Etat à son départ le 26 mai 2011. La riposte du gouvernement ne s’était pas fait attendre. Les vice-présidents Mohamed Ali Soilihi et Nourdine Bourhane étaient intervenus, le 20 août, à la télévision nationale pour dire, avec des relevés de la Bcc de mai 2011 en guise de preuves, qu’à leur arrivée au pouvoir au mois de mai 2011, ils n’avaient trouvé que 3,137 milliards de fc dans les caisses de l’Etat, dont un milliard en provenance du don japonais.
Dans une conférence de presse au mois de septembre de cette même année, l’actuel ministre de l’Intérieur Houmed Msaïdié, à l’époque leader de l’opposition, avait soutenu, citant «des sources sûres», que le programme de la citoyenneté économique aurait rapporté en 2012 la somme de 29 milliards de francs (lire Al-watwan du 25 septembre 2013).
En octobre 2013, une mission du Fonds monétaire international avait permis de voir un peu plus clair sur la situation des ces revenus. Elle a déclaré que cette manne aurait joué un rôle important dans l’accession des Comores au point d’achèvement de l’Initiative pays pauvres très endettés (Ippte). Le Fmi avait alors donné, année par année, la part des revenus issus du Programme de citoyenneté économique dans le Produit intérieur brut (Pib) de 2009 à 2013 (lire al-watwan du 04 octobre 2013).
Ces dernières années, les passeports comoriens ont été particulièrement vendus aux apatrides connus sous le nom de «Bidouns», très nombreux dans les pays du Golf. Mais, il apparait aujourd’hui que le passeport national serait tombé entre les mains de certains réseaux mafieux et djihadistes. Or, faut-il préciser, la loi adoptée aux Comores exige que «l’acquisition de la citoyenneté économique par décision de l’autorité publique résulte d’une décision accordée à la demande d’une personne majeure ayant la qualité de partenaire économique du gouvernement des Comores». En octobre 2013, le démantèlement d’un réseau de vente illicite de passeports comoriens, dont le préjudice avoisinait les 2,100 milliards de francs (le directeur national de la sûreté du territoire de l’époque a été cité) a confirmé encore une fois le caractère opaque de la vente de ces passeports.
Enfin ce programme quinquennal a-t-il été ou va-t-il être reconduit par le gouvernement ? Plusieurs projets d’abrogation du programme de citoyenneté ont été proposés lors de la précédente législature, en vain. Dans une interview en mars dernier dans nos colonnes, le vice-président en charge des Finances, Mohamed Ali Soilihi, avait soutenu que «le programme a connu une chute depuis un an et demie».
Kamardine Soulé