Evolution du code de la nationalité tunisienne : de la générosité à la discrimination
Published: 14/Aug/2007
Source: APA
APA- Tunis (Tunisie) L’accès à la nationalité tunisienne a beaucoup évolué au fil des décennies, le droit d’être citoyen de ce pays ayant passé par différentes phases depuis le critère religieux jusqu’aux dernières dispositions dont certaines comportent des aspects volontairement discriminatoires.
Une première discrimination du Code a trait au genre. Ainsi, l’étranger n’accède pas, de la même manière, à la nationalité, selon qu’il est né d’un père tunisien ou d’une mère tunisienne.
Si le père est Tunisien, l’étranger obtient automatiquement la nationalité du pays. Par contre, lorsqu’il est de mère tunisienne, le demandeur doit remplir certaines conditions, dont celle d’être né en Tunisie. A défaut, l’enfant ne peut acquérir sa nationalité que si ses parents en font conjointement la demande. L’acquisition de la nationalité dépend donc ici de la volonté du père étranger.
Une deuxième discrimination fondée sur le sexe intervient par la naissance en Tunisie. Ainsi, le Code prévoit que l’étranger dont le père et le grand-père sont nés en Tunisie peut devenir Tunisien. Ce droit n’est pas accordé à l’étranger dont ce sont les ascendants maternels qui sont nés en Tunisie.
Le Code consacre une troisième discrimination entre les sexes, par la voie du mariage. L’étrangère qui épouse un Tunisien accède ainsi plus facilement à la nationalité que l’étranger qui se marie avec une Tunisienne. L’étrangère, si elle renonce à sa nationalité d’origine, obtient la nationalité tunisienne au moment de la célébration du mariage, alors que l’étranger marié à une Tunisienne ne peut accéder à cette nationalité que par voie de naturalisation, un processus qui n’est pas aisé et qui implique plusieurs conditions.
Selon le Code, la naturalisation ne peut être accordée que par décret. L’étranger désirant acquérir la naturalisation tunisienne devra justifier d’une connaissance suffisante de la langue arabe, ce qui introduit une autre discrimination entre les étrangers, car il sera plus facile pour un Algérien ou un Marocain que beaucoup de Centrafricains ou Zimbabwéens, de remplir une telle condition, et donc d’acquérir la nationalité tunisienne par voie de mariage.
Les discriminations observées dans le droit tunisien se prolongent au-delà de l’accès à la nationalité. En effet, le Tunisien naturalisé sera privé pendant un temps déterminé de certains droits dont jouissent les autres nationaux.
Ainsi, pendant cinq ans à partir du décret de naturalisation, ce nouveau Tunisien ne peut pas être investi dans des fonctions ou mandats électifs. Cette incapacité affecte le naturalisé tant sur le plan politique que sur le plan professionnel. Au cours de cette période, il ne peut être ni membre de la Chambre des Députés ou d’un Conseil municipal, ni conseiller au sein du Conseil de prud’hommes.
Le naturalisé ne peut donc être électeur, lorsque la qualité de Tunisien est nécessaire pour l’inscription sur les listes électorales. Une disposition peu répandue, en droit comparé, selon des spécialistes.
Enfin, une regrettable originalité du droit tunisien prévoit que le naturalisé ne peut pas, au cours de cette période, occuper un emploi vacant des cadres tunisiens.
Tout cela fait du naturalisé, pendant un certain temps, un Tunisien « de second rang », explique Mme Souhayma Ben Achour, universitaire.
En outre, tout Tunisien de cette catégorie peut perdre sa nationalité dans deux cas: lors d’une rupture avec la communauté nationale, par l’acquisition volontaire d’une nationalité étrangère par exemple, ou conséquemment, lorsqu’il fait preuve de manque de loyalisme envers la nation, lorsqu’il occupe un emploi dans un service public étranger ou s’enrôle dans une armée étrangère.
Le Tunisien d’origine étrangère risque en plus, dans un délai de dix ans, la déchéance.
Celle-ci ne peut frapper que le Tunisien ayant acquis la nationalité et cela dans divers cas. Cette mesure peut être prononcée lorsque les intérêts de l’Etat sont menacés. Elle peut donc paraître normale lorsqu’elle sanctionne “l’indignité” ou encore une trahison à l’égard de la nation
Selon des experts et des chercheurs, une refonte du Code semble nécessaire, puisque rien ne justifie que certains Tunisiens soient traités plus sévèrement que les autres.
L’étranger ayant acquis la nationalité tunisienne devrait pouvoir en jouir dans les mêmes conditions que le Tunisien d’origine, ont-ils estimé.
TM/ib/APA
14-08-2007
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