Question de la double nationalité : des possibles négociations sont envisagées pour un moratoire de six mois
Published: 10/Fév/2007
Source: Le Potentiel (Kinshasa)
par Angelo Mobateli
La gestion de la question soulevée de la double nationalité devient délicate avec risque, sans la dépassionner en y mettant une sourdine pendant une période donnée à convenir, de glissement dans une impasse bloquant totalement le processus démocratique en Rdc. La question de la double nationalité bloque déjà les travaux à l’Assemblée nationale, où les députés de l’opposition politique affichent clairement leur volonté d’ « en finir une fois pour toutes avec cette question » et d’aller « jusqu’au bout de la logique de la Constitution ». Gérée sans responsabilité, cette question risque d’enflammer le Palais du peuple.
Tentant de calmer le jeu, le Bureau de l’Assemblée a décalé de nouveau la séance convoquée le jeudi 8 février, au motif qu’ « il faut y aller par consensus pour remblayer le terrain avant de soumettre le cas à la plénière d’une manière calme ».
Selon des sources concordantes, l’Union pour la Nation (UN) et l’Alliance de la majorité présidentielle (AMP) pourraient engager des « négociations » en vue d’une « solution politique », laquelle devrait déboucher sur un moratoire de 6 mois.
Empoignades
Le Bureau de l’Assemblée nationale éprouve des difficultés certaines à fixer l’ordre du jour de sa séance extraordinaire, à la suite d’une motion sur la double nationalité présentée par le député MLC José Makila.
Selon le rapporteur général Katende wa Ndaya, les points relatifs aux événements sanglants survenus au Bas-Congo (31 janvier et 1er février 2007) et à la double nationalité, devraient être abordés « avec sérénité » et dans un « environnement dénué de passion ».
Cependant, le ton sur lequel se sont exprimés les députés Ne Kongo et ceux de l’Union pour la Nation (UN), au sortir de la plénière avortée de mercredi, n’augurait point un débat dépassionné. « Qui a une double nationalité en RDC ? La nation a besoin de le savoir », a menacé le coordonnateur de l’UN, François Muamba. Un autre député de l’opposition politique a estimé à « plus de 150 » le nombre de personnalités ayant la double nationalité et qui occupent de hautes fonctions publiques en République démocratique du Congo. « Le dossier est complet et a été déposé au Bureau en bonne et due forme », a indiqué le secrétaire général du MLC à la presse.
C’est un parti co-fondateur de l’AMP, rappelle-t-on, qui a ouvert le feu à Kananga et à Mbuji-Mayi en exigeant l’invalidation – pour double nationalité – des candidatures d’Alex Kande et de Dominique Kanku à l’élection des gouverneurs au Kasaï Occidental et au Kasaï Oriental.
Moratoire
L’AMP et l’UN sont présentement engagées dans une épreuve de force dont les effets risquent de déstabiliser les institutions du pays. « Imaginez un peu l’Assemblée nationale (500 députés), le Sénat (108 sénateurs) et les Assemblées provinciales (690 députés) se vidant du tiers de leurs effectifs respectifs », s’est inquiété un analyste politique.
Quand bien même il ne se poserait théoriquement pas un problème majeur du fait de leur remplacement automatique par leurs suppléants, l’impact psychologique dans la société sera tel que « le pire est à craindre », a-t-il ajouté.
« Le pays ne s’en relèvera que très péniblement », pressent un acteur de la société civile, qui craint une « reprise des hostilités armées ». « Il faut absolument que la question de la double nationalité soit abordée sans l’angle politique », a-t-il suggéré.
A ce propos, il ressort de sources concordantes que le dossier de la double nationalité pourrait se retrouver sur une table de négociations entre l’AMP et l’UN. A ce niveau, interviendraient des concessions mutuelles.
L’AMP laisserait, par exemple, l’opposition politique gagner l’élection des gouverneurs dans trois provinces favorables au leader du MLC (Bas-Congo, Kinshasa et Kasaï Occidental). En contre-partie, l’UN mettrait une sourdine à sa motion brûlante sur la double nationalité et éteindrait ses ambitions sur le gouvernorat du Kasaï Oriental, proche de la famille politique du chef de l’Etat.
Toutefois, la position stratégique du Bas-Congo (porte d’entrée) et celle du Kasaï Occidental (diamantifère) pourraient corser ces négociations.
Au-delà d’autres concessions stratégiques, les deux coalitions signeraient alors un moratoire aux termes duquel la double question de la nationalité ne serait « pas abordée pendant 6 mois », période au cours de laquelle l’Assemblée nationale adopterait un amendement à la constitution et à la loi sur la nationalité. « Ce qu’on veut, c’est que tout le monde soit traité sur le même pied d’égalité », selon une source proche de l’AMP.
Aux termes des articles 72, 102 et 106 de la Constitution du 18 février 2006, nul ne peut être candidat respectivement à l’élection du président de la République, aux élections législatives ou candidat membre du Sénat s’il ne remplit, entre autres conditions, celle de « posséder la nationalité congolaise d’origine » ou d’ « être Congolais ».
En effet, conformément à l’article 10, « la nationalité congolaise est une et exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec aucune autre. La nationalité congolaise est soit d’origine, soit d’acquisition individuelle. Est Congolais d’origine, toute personne appartenant aux groupes ethniques dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo (présentement la République démocratique du Congo) à l’indépendance. Une loi organique détermine les conditions de reconnaissance, d’acquisition, de perte et de recouvrement de la nationalité congolaise ».