Rapport sur le droit de la nationalité : Madagascar
Published: 29/Juin/2022
Source: GLOBALCIT, European University Institute
Par: Ando Lova Razafiarison, Laurent Andrianasolo Ratsimatahotrarivo, Richmond Zafera & Noro Ravaozanany
Introduction
Le retour de Madagascar à l’indépendance marque le coup d’envoi de l’instauration du régime de nationalité du pays. A bien des égards, l’on s’attendait à ce que la communauté de sort, sous la férule française d’antan, générerait une définition identique de la nationalité. La France de cette époque utilisait autant « la filiation » que le « droit du sol » pour déterminer la nationalité d’origine de ses resortissant.e.s. Pris dans ce sillage, la plupart des pays francophones nouvellement indépendants ont opté pour cette mixité, tout en privilégiant l’un ou l’autre selon leur organisation sociale. Atypique, il semblerait que l’application du jus sanguinis hérité de la Métropole ne soit pas une simple transposition mais le produit de la dynamique propre de la société malgache, telle que l’entendent les élites dirigeantes de Madagascar. En effet, « la nationalité malgache, telle que le concevait le législateur de 1960, est essentiellement une nationalité de filiation ». Elaboré en s’inspirant du Code français, le Code de nationalité malgache répond au contexte socio-politico-économique du moment, en soulignant la diversité, la dynamique communautaire, les us et coutumes. La conjoncture politique de 1960, marquée par l’opposition entre « forces politiques modérées » tenant du pouvoir politique et « forces politiques nationalistes » image de l’« hégémonie culturelle », dénote de l’écriture du Code de la nationalité malgache. Le législateur de 1960 a ainsi érigé l’« origine » comme fondement de la nationalité malgache alors que la population résidente de l’époque était constituée d’éléments venus d’horizons divers. La prépondérance de la « filiation » exclut les derniers migrants implantés dans le pays, nonobstant la faible densité de la population, éparpillée, avec des zones enclavées, exacerbée par des défaillances de communication et un faible taux d’alphabétisme.
Phallocentrique de prime abord, le Code de 1960 permet cependant la transmission de la nationalité de par la mère si celle-ci ne provoque un conflit de nationalités. Madagascar se distingue en privilégiant la nationalité par filiation et ne tient compte du « droit du sol » que marginalement. Ces situations ont provoqué des cas d’apatridie dès l’entrée en vigueur du Code. Ce dernier a connu des problèmes d’applicabilité dans le temps et dans l’espace, non résolus à ce jour malgré des réformes effectuées. Même si la loi n° 2016-038 du 25 janvier 2017 (par la suppression des articles 10, 16, 18, 20 et 57, et les modifications des articles 9, 11,23, 40 et 52 du Code de la nationalité) a permis de corriger les discriminations envers les femmes et les enfants et bien qu’elle ait été élaborée dans un certain esprit d’inclusion, ses dispositions comportent des discriminations basées notamment sur le sexe, le handicap et l’origine.
La dénonciation en 1964 de l’adhésion du pays à la Convention de 1954 sur le statut des apatrides, rend délicate la résolution des cas des apatrides « in situ ». La question concerne surtout ceux d’origine indienne, dont une minorité détenant une nationalité et un poids économique, suscite la crainte des nationaux. Les réformes engagées, dont la loi n°2016-038 ont permis aux femmes de transmettre leur nationalité à leurs enfants, n’ont pas pour autant solutionné les cas des « apatrides in situ » caractérisant l’apatridie à Madagascar. Ces contradictions font du droit à la nationalité, un sujet complexe pour les politiques et le législateur.
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