73ème Session ordinaire de la CADHP: Rapport d’intersessions Commissaire/ Rapporteure Spéciale sur les Réfugiés, les Demandeurs d’asile, les Personnes Déplacées et les Migrants en Afrique Intersession Report by Rapporteure Spéciale sur les Réfugiés, les Demandeurs d’asile, les Personnes Déplacées et les Migrants en Afrique
Published: 20/Mai/2023
Source: African Commission on Human and Peoples' Rights
Extracts:
INTRODUCTION
Le présent rapport rend compte, au titre de l’article 64 du Règlement intérieur de la Commission Africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission), des activités de promotion et de protection des droits de l’homme entreprises au cours de la période d’intersession, depuis la 73eme Session ordinaire de la Commission tenue en présentiel du 20 octobre au 9 novembre 2022.
Le rapport comprend, les activités menées en notre qualité de vice-présidente de la commission et de commissaire, membre de la commission.
Ensuite nous présenterons les activités menées en vertu du mandat qui nous a été confié en notre qualité de Rapporteure Spéciale sur les Réfugiés, les Demandeurs d’asile, les Personnes Déplacées et les Migrants en Afrique. Ce mécanisme nous a été confié par la Résolution ACHPR/Res.203 (L) 11 de la Commission africaine dont le mandat a été renouvelé en vertu des Résolutions CADHP/Rés.246 (LIV) 2013, CADHP/Rés.318(LVII) 2015, CADHP/Rés. 379(LXI) 2017, CADHP/Rés.450 (LXVI) 2020 et CADHP/Res.525 (LXXIII) 2022.
Le rapport comprend également l’état des lieux de la ratification de la Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées internes, l’analyse de la situation des droits de l’homme dans les pays dont nous avons la charge, la situation des réfugiés, des demandeurs d’asile, des personnes déplacées internes et des migrants, ainsi que l’apatridie en Afrique.
Il se clôture par des recommandations formulées à l’endroit des différentes parties prenantes.
[…]
ACTIVITES MENEES EN TANT QUE RAPPORTEURE SPECIALE SUR LES REFUGIES, LES DEMANDEURS D’ASILE, PERSONNES DEPLACEES INTERNES ET MIGRANTS EN AFRIQUE
[…]
IV.Dialogue sur le projet de Protocole à la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples relatifs aux aspects spécifiques du droit à la nationalite et à l’ éradication de l’apatridie en Afrique (29-30 novembre 2022, virtuelle)
21.Ce dialogue organisé conjointement avec le HCR avait pour but de mobiliser les Etats et la société civile afin qu’ils soutiennent l’adoption du Projet de Protocole qui devrait etre examiné par le Comité technique spécialisé de l’UA sur la justice et les affaires juridiques (CTS).
22.Au cours de ce dialogue la genèse et un bref historique duprojet de Protocole a été rappellé ainsi que les différentes étapes du développement du texte au sein du Comite Technique Specie sur les les migration .
23.Le dialogue c’est déroulé en deux phase le premier jour avait été consacrée aux Etats afin d’obtenir leur soutien en vue de l’adoption du Projet de Protocole. La seconde journée avait consisté en un briefing des organisations de la société civile pour les inciter a mener des plaidoyer auprès de leurs Etats respectifs afin qu’ils soutiennent l’adoption du Projet de Protocole.
V.8ème session ordinaire du Comité technique spécialisé sur la justice et les affaires juridiques AU (CTS) ( 5-11 decembre 2022, Addis Abeba)
24.J’ai pris part à cette session en compagnie des deux experts ayant participer à la rédaction du projet de de Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatifs aux aspects spécifiques du droit à la nationalite et à l’ éradication de l’apatridie en Afrique pour son examen par le Comité technique spécialisé de l’UA sur la justice et les affaires juridiques (CTS).
25. A titre de rappel, depuis 2013, l’élaboration de ce protocole a été confié à notre mandat en collaboration avec le Département des Affaires Politiques et Humanitaires de l’UA, le HCR et l’Organisation Open Society Initiative et a été adopté par la CADHP en 2015 lors de sa 18eme session extraordinaire à Nairobi au Kenya.
26. Le Projet a ensuite été examiné par les experts des Etats membres lors de quatre réunions du CTS sur la migration, les réfugiés et déplacés internes de l’Union africaine.
27.Au cours de cette session le projet de Protocole avait fait l’objet de discussions sur quelques articles qui ne faisaient pas l’unanimité auprès de certains Etats. Suite à cette absence de consensus, le projet a été renvoyé à l’examen de la conférence ministérielle qui a suivi la réunion des Experts et qui a conclu que le texte méritait encore d’être approfondi et à demander à ce qu’il soit retravaillé afin d’être soumis à nouveau à l’examen du CTS lors d’une session spéciale au cours de l’année 2023.
28.J’ai donc repris les actions de plaidoyer avec le HCR et d’autres partenaires auprès des Etats afin que ce projet de Protocole soit définitivement adopté.
[…]
ANALYSIS OF THE HUMAN RIGHTS SITUATION OF COUNTRIES AS COUNTRY SPECIAL RAPPORTEUR : LIBYA, MAURITANIA, NIGER, SENEGAL & TUNISIA
ANALYSE DE LA SITUATION DES DROITS DE L’HOMME DES PAYS SUPERVISE EN QUALITE DE RAPPORTEURE PAYS:
LIBYE, MAURITANIE, NIGER, SENEGAL ET TUNISIE.
Libye
52.La situation en Libye demeure préoccupante avec la poursuite des violences par les acteurs armés, la persistance de l’impasse politique, des restrictions de l’espace civique et la poursuite de la détérioration de la situation des droits de l’homme. Les femmes continuent à subir les violences sexuelles et celles basées sur le genre, sans possibilité de porter plainte car s’exposant à des poursuites pour avoir eu des relations sexuelles en dehors du mariage, considérées comme une infraction pénale en Libye, ainsi qu’à des représailles de la part des auteurs de ces actes.
53.Des discriminations à l’encontre des minorités ethniques ont également été rapportées notamment à l’encontre des certaines tribus Toubous et Touaregs, au sud de la Libye qui, du fait des lois et règlements discriminatoires en matière de nationalité, n’ont pas de carte d’identité, et font face à des discriminations lorsqu’ils tentent d’accéder à des services essentiels, notamment l’éducation et la santé. Un certain nombre de ces personnes sont apatrides, car les autorités refusent de reconnaître leur nationalité libyenne.
54.Le gouvernement d’unité nationale a pris en octobre le décret no 902/2022, qui accordait aux enfants nés d’une mère libyenne et d’un père non libyen l’accès à l’enseignement public et aux soins de santé. Cependant le texte ne garantissait pas le droit à la nationalité à ces enfants au même titre que ceux nés d’un père libyen et d’une mère non libyenne.
55. La situation des migrants ne s’est pas améliorée et demeure toujours préoccupante.
56.La situation politique est toujours dans l’impasse et la date des élections n’a toujours pas été fixé.
57.Nous demandons à l’Union africaine de redoubler son assistance à la Libye pour le retour à la paix et à la stabilité durable.
[…]
63.Face à l’immense défi de l’état civil, le pays a entamé des audiences foraines, des campagnes de sensibilisation, ainsi que l’informatisation du système d’état civil en vue d’inscrire au registre toute sa population à l’horizon 2030. Nous félicitions le Niger pour cette initiative qui vise à lutter contre l’apatridie.
64.De nombreux rapports indiquent que l’esclavage basé sur l’ascendance est toujours prévalant au Niger bien qu’il soit interdit depuis 2002 en vertu du Code pénal. Le phénomène persisterait encore chez certaines populations, notamment chez les Arabes, les Peuls, les Toubous et les Touaregs qui continueraient de disposer à leur guise d’esclaves, de leur travail, de leurs enfants et de leurs biens. Malgré des décisions de justice et des campagnes de sensibilisations, les descendants d’esclaves qui ne sont plus sous le contrôle direct de leur « maître » seraient toujours considérés comme « esclaves » par la société et feraient l’objet de stigmatisations et de discriminations de toutes sortes. Nous encourageons le Niger à poursuivre ses actions en vue de l’éradication complète de l’esclavage avec notamment de programme de réhabilitation et d’inclusion des personnes victimes d’esclavage.
65.Le mariage forcé et précoce demeure une source de préoccupation au Niger, ainsi le 10 mars 2023 le décès jeune Nazira, âgée d’environ 16 ans et ressortissante du village de Daré, dans la Région de Zinder (800 km à l’est de Niamey), a été retrouvée pendue par le cou à un arbre préférant se suicider que d’accepter un mariage forcé dont elle ne voulait pas. Nous invitons les autorités à renforcer leur action en vue de mettre un terme au phénomène de mariage forcée et précoce en mettant en œuvre des programmes de protection à l’endroit des jeunes filles
66.La situation sécuritaire est toujours inquiétante avec l’exacerbation des attaques terroristes qui persistent dans plusieurs régions, notamment, celles des 10 soldats du détachement de l’Opération ALMAHAOU ont été tués dans une attaque terroriste à la frontière du Mali, le 10 février 2023, suite à une embuscade aux alentours de la localité de INTAGAMEY à la frontière nigéro-malienne. Ceci impacte grandement la jouissance des droits sociaux économiques des populations, particulièrement le droit à l’éducation et l’aggravation de l’insécurité alimentaire dans plusieurs zones Nous déplorons ces pertes de vie et encourage les efforts du Niger, du Mali et du Burkina Faso dans la lutte contre le terrorisme.
[…]
Apatridie
94.Nous félicitons le Niger et le Congo Brazzaville pour les initiatives lancées en vue de la réduction de l’apatridie ; le Niger a commencé à organiser des audiences foraines afin d’enregistrer toutes les personnes n’ayant pas état civil depuis novembre 2022. Au Congo Brazzaville quarante-huit enfants non déclarés à l’état civil, candidats au certificat d’études primaires élémentaires (CEPE), dans la circonscription scolaire de Bacongo, ont reçu officiellement le 26 janvier des actes de naissance. [ https://www.adiac-congo.com/content/lutte-contre-lapatridie-la-mairie-d… ] Cette action s’inscrit dans le cadre de l’opération « Zéro enfant de 0 à 12 ans sans acte de naissance à Bacongo », lancée le 26 septembre 2022 par la mairie du deuxième arrondissement de Brazzaville.
95.En 2014-2015, avec la Déclaration d’Abidjan, les Etats de l’Afrique de l’Ouest s’étaient fixés comme objectif d’éradiquer l’apatridie dans la région, avant 2024. La Déclaration d’Abidjan a été suivi du Plan d’action de Banjul ainsi que par la réunion d’évaluation à mi-parcours de la campagne I Belong avec le HCR en octobre 2019, sur les processus d’éradication de l’apatridie. Cependant à ce jour seuls le Sénégal, la Côte d’ivoire, le Burkina Faso, le Benin et le Mali on fait des mises à jour dans leurs lois afin de mettre un terme à l’apatridie. Nous encourageons les autres pays prendre les mêmes mesures.
RECOMMANDATIONS
96. Les Etats doivent s’engager dans la mise en œuvre de solutions effectives pour les réfugiés de long terme comme l’intégration locale et mettre en œuvre des projets concret dans le cadre d’une bonne gouvernance de la migration telle que la mise en œuvre effective de la libre circulation à travers la totale ratification du Protocole au Traité instituant la Communauté Economique Africaine relatif à la libre circulation des personnes, au droit de séjour et au droit d’établissement, dans les plus brefs délais. Ils doivent également prendre des mesures pour faire au face aux déplacements induits par le changement climatique.
97.Nous voulons également inviter les Etats à s’engager pour mettre un terme à l’apatridie car nul ne devrait être privé de sa dignité d’être humain par un simple manque de papier attestant de son existence légale.
98.A cet effet, je voudrais réitérés les recommandations formulées lors de mes précédents rapports et dont la majorité sont toujours d’actualité, auxquels s’ajoutent certaines nouvelles recommandations notamment :
a) A l’endroit des Etats parties à la Charte africaine :
- S’assurer que les réfugiés puissent jouir des droits économiques et sociaux et certaines libertés dans le cadre des lois nationales ;
- Respecter les principes des Conventions de Genève et de l’OUA qui prônent le principe de non refoulement ;
- Finaliser l’adoption du Protocole sur les aspects spécifiques de la nationalité en Afrique et l’éradication de l’apatridie lors de la prochaine session du Comité Technique Spécialisé justice et affaires juridiques de l’Union africaine.
- Renforcer l’assistance donner aux Etats recevant un nombre élevé de demandeurs d’asile ou de réfugiés.
- Mettre fin à la détention des migrants sur la base de leur statut migratoire.
A tous les Etats membres
- Ratifier le Protocole au Traité instituant la Communauté Economique Africaine relatif à la libre circulation des personnes, au droit de séjour et au droit d’établissement,
- A ceux ne l’ayant pas encore fait de ratifier la Convention de L’OUA Régissant les Aspects Propres aux Problèmes des Réfugiés en Afrique ;
- D’appliquer les objectifs consacrés dans le Pacte mondiale sur les réfugiés ;
- S’impliquer davantage dans la prévention des déplacements forcés des populations à l’intérieur comme à l’extérieur de leurs pays, quel que soit l’origine du déplacement (conflits armés, changements climatiques, grands projets de développement, catastrophes naturelles, etc.) ; et de les protéger lorsque la prévention a échoué ;
- Pour ceux qui ne l’ont pas encore fait, d’accélérer le processus de ratification de la Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance des personnes déplacées en Afrique ; et pour ceux qui l’ont ratifiée,
- Opérationnaliser les dispositions de la Convention de Kampala à travers des politiques et des programmes en faveur des personnes déplacées internes et en faire état dans leurs rapports périodiques conformément à l’article 14 alinéa 4 de la Convention ;
- S’engager dans la mise en œuvre du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières ;
- Travailler à la prise des mesures en vue de répondre efficacement aux défis que soulèvent l’impact du changement climatique sur les déplacements forcés des populations sur notre continent
- Prendre des mesures pour s’assurer que les crimes à caractère xénophobe soient effectivement sanctionnés.
b)A l’Union Africaine, nous recommandons de :
- Prendre des mesures afin de faciliter et de finaliser le processus d’adoption du projet de Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples sur les aspects spécifiques du droit à la nationalité et l’éradication de l’apatridie en Afrique.
- Mettre en œuvre l’Agence Humanitaire africaine en la dotant d’un fond conséquent pour qu’elle puisse effectivement prendre en charge les différentes situations humanitaires en Afrique
- Adopter une position africaine commune sur la question des migrants disparus.
c) A l’endroit du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés et autres agences onusiennes et organisations internationales, nous recommandons de :
- Travailler en amont avec les Etats afin de trouver des solutions concernant la situation des réfugiés et demandeurs d’asile ainsi que des déplacés internes, et en particulier les réfugiés de long terme ;
- Poursuivre leur soutien au mécanisme dans le cadre de l’exécution de son mandat ;
- Renforcer la collaboration avec la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples sur des thématiques d’intérêt commun ;
- Continuer à nous accompagner dans le plaidoyer sur l’éradication de l’apatridie en Afrique.
d) A l’endroit des acteurs de la Société civile et autres partenaires, nous recommandons de :
- Poursuivre le plaidoyer en vue de la ratification de la Convention de Kampala ;
- Poursuivre et intensifier le plaidoyer pour l’adoption du Projet de Protocole sur la nationalité et l’éradication de l’apatridie ;
- Continuer leur action sur le terrain pour nous tenir informer sur la situation des réfugiés, des demandeurs d’asile, des déplacés internes et des migrants ;
- Apporter leur concours et leur assistance à la Rapporteure spéciale afin qu’elle puisse s’acquitter convenablement de son mandat.
e)A la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, nous recommandons de :
- Poursuivre les efforts dans la promotion et la protection des personnes réfugiés, demandeurs d’asile ; déplacées internes et migrants et de s’impliquer dans la campagne d’éradication de l’apatridie lancé par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) pour la décennie 2014-2024 ;
99. Pour conclure, nous voudrions exprimer nos vifs remerciements à l’endroit de tous nos partenaires, particulièrement la Commission de l’Union africaine, le CICR, le HCR et l’OIM pour le soutien constant apporté à notre mécanisme.
Je vous remercie
Lire l’original: https://achpr.au.int/fr/intersession-activity-reports/rapporteure-speciale-sur-les-refugies-les-demandeurs-dasile-les