Réunion d’experts des États membres sur le projet de Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux aspects spécifiques du droit à une nationalité et à l’éradication de l’apatridie en Afrique
Published: 25/Avr/2018
Source: Commission de l'Union africaine
7 – 11 mai 2018
Abidjan, Côte d’Ivoire
Introduction
La nationalité fournit aux individus un sentiment d’identité et crée un lien juridique entre une personne et l’État en leur permettant d’exercer certains droits. Ainsi, l’absence de nationalité peut être vraiment dévastatrice pour la vie des individus concernés. Malgré la reconnaissance internationale du droit à la nationalité, il y a près de 10 millions d’apatrides à travers le monde avec des centaines de milliers d’entre eux vivant en Afrique qui se retrouvent des «non-personnes» dans le seul pays qu’ils ont toujours connu.
En fait, l’apatridie peut contribuer aux tensions politiques et sociales, y compris à l’exclusion et au déni des droits à de grandes populations. La raison pour laquelle ces gens sont dans cette situation de privation de droits est qu’ils ne sont pas reconnus comme des citoyens du pays où ils vivent. Ils ne peuvent pas enregistrer la naissance de leurs enfants ni s’inscrire à l’école ou à l’université, beaucoup n’ont pas accès aux services de santé publique et ils ont du mal à obtenir des documents de voyage ou des permis de travail. Surtout, ils ne peuvent pas participer aux élections ni occuper un poste ou travailler pour les institutions de l’État.
Ce manque de reconnaissance repose souvent sur des motifs hautement arbitraires et discriminatoires fondés sur la race, l’origine ethnique et le genre. En conséquence, le refus arbitraire d’accès à la citoyenneté est devenu l’un des principaux facteurs qui entraînent des conflits et entravent le développement économique et social en Afrique et une menace certaine à la réalisation de l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
Malgré le nombre élevé d’apatrides à travers le monde, ce problème est particulièrement grave en Afrique, en raison de l’histoire de la création des frontières, des populations frontalières et des migrations sur le continent. Il est encore exacerbé par la faible capacité de nombreux États africains aujourd’hui et par leur inaptitude ou leur manquement à répondre de manière appropriée à la migration contemporaine. L’apatridie et la privation de la nationalité sont devenues des outils de persécution politique et des moyens d’exclusion, alors que l’ethnicité et la race ont été explicitement introduites comme motifs d’accès à la nationalité dans plusieurs pays ; ce qui va à l’encontre de toutes les normes internationales en matière de non-discrimination et représente certainement une menace pour l’aspiration africaine à un continent pacifique et intégré. C’est en considération de ce qui précède que la Commission de l’Union africaine, en collaboration avec la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et d’autres partenaires, s’efforce de lutter contre le déni de nationalité et l’apatridie sur le continent.
La réunion d’experts des États membres qui se tiendra du 7 au 11 mai 2018 à Abidjan, en Côte ’Ivoire, et le CTS qui s’ensuivra constitueront une étape importante dans la résolution des problèmes d’apatridie et le déni de la nationalité en Afrique par la mise en place d’un cadre juridique continental en la matière.
Contexte et justification
Un apatride est quelqu’un qui n’est considéré comme un ressortissant par aucun État en vertu de son droit. À travers l’Afrique, beaucoup de personnes continuent de souffrir de la privation et de l’indignité de se voir refuser la nationalité. L’apatridie peut se produire pour diverses raisons, y compris la discrimination contre des groupes ethniques, sociaux ou religieux particuliers ou sur la base du genre; l’émergence de nouveaux États et les transferts de territoires entre les États existants (succession d’états) et les lois sur le conflit de nationalité sont également des facteurs pouvant conduire à l’apatridie.
En Afrique, malgré l’incomplétude de la Charte africaine sur la question de l’apatridie sur le continent, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, par une interprétation audacieuse de la Charte africaine, a tenté de limiter la flexibilité des États partis tentés d’utiliser leurs lois nationales pour priver les personnes de leur nationalité. La plupart des pays africains ne disposent pas d’une législation qui garantit la citoyenneté à tout enfant né sur leur territoire, ce qui contredit leurs engagements en vertu de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant.
Les lois sur la nationalité africaine reposent sur deux concepts de base que sont le jus soli (ou droit du sol), en vertu duquel une personne obtient la nationalité si elle est née dans un pays déterminé, et le jus sanguinis (ou droit du sang), en vertu duquel la nationalité repose sur l’origine des parents, qui sont eux-mêmes des nationaux. En général, une législation basée sur le jus sanguinis tendra à exclure de la nationalité les individus descendants de personnes qui ont migré d’un endroit à un autre. En revanche, un régime exclusif de jus soli interdirait aux personnes dont les parents se sont éloignés de leur foyer « historique » de demander la nationalité de ce pays, mais inclut davantage les résidents actuels d’un territoire précis. Outre ces deux principes qui reposent sur la naissance, deux autres facteurs viennent influencer la détermination de la nationalité pour les adultes : le mariage avec un ressortissant et la résidence à long terme dans un pays.
À la lumière de ce qui précède, plusieurs voix ont été soulevées pour condamner cette situation inacceptable et appellent à une réforme approfondie des lois nationales sur la nationalité nationale. Le Colloque organisé par l’Union africaine sur le thème de « La nationalité en Afrique : Prévenir les cas d’apatridie, prévenir les conflits » à Nairobi (Kenya) en octobre 2012 a formulé certaines recommandations parmi lesquelles: accroître la sensibilisation sur les questions de l’apatridie et les risques liés à celle-ci; encourager les États membres à garantir l’égalité des droits dans l’attribution de la nationalité et de la citoyenneté aux apatrides ainsi qu’à leurs ayants-droits, sans considération de genre, de race, de religion ou d’appartenance ethnique ; mettre en place un système d’enregistrement fiable et gratuit pour faciliter la preuve de la nationalité ; encourager les États membres à mettre en œuvre la Charte africaine sur les droits et le bien-être de l’enfant, surtout en son article 6 qui prescrit le droit des enfants à la nationalité ; développer des instruments juridiques au niveau régional qui tiennent compte des réalités africaines, telles que le nomadisme, les migrations historiques et les questions de frontières ; prévoir un Protocole additionnel sur le droit à la nationalité en Afrique dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ; encourager l’Union africaine et ses partenaires à coordonner leurs actions et à mobiliser les ressources nécessaires à la prévention de l’apatridie.
L’Union africaine a ensuite pris des initiatives pour rédiger une étude continentale sur le droit à la nationalité et la lutte contre l’apatridie et pour la rédaction de ce projet de protocole. La réunion d’experts des États membres sur le projet de protocole se déroule dans le cadre du processus établi par l’Union africaine pour aborder les problèmes d’apatridie et de déni de nationalité sur le continent.
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Télécharger l’annonce de la réunion (en anglais): https://au.int/en/newsevents/20180507/member-states-experts-meeting-draft-protocol-african-charter-human-and-peoples
Télécharger les documents pour la réunion:
Note conceptuelle Abidjan mai 2018 – anglais
Note conceptuelle Abidjan mai 2018 – francais
Projet de protocole version soumise a l’UA par la CADHP mai 2017 – anglais
Projet de protocole note explicative mai 2017 – anglais
Projet de protocole mai 2017 – francais