Robert John Penessis c. Republique-Unie de Tanzanie, Requête no 013/2015

Published: 28/Nov/2019
Source: African Court on Human and Peoples' Rights

Résumé de l’Arrêt (28 Novembre 2019)

Zanzibar, le 28 novembre 2019: La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (la Cour) a rendu son arrêt dans l’affaire Robert John Penessis c. la République Unie de Tanzanie.

Le Requérant, Robert John Penessis est un individu qui se réclame de la nationalité tanzanienne. En janvier 2010, Il a fait l’objet de poursuites judiciaires pour entrée et séjour irrégulier sur le territoire de l’Etat Défendeur. Il a par la suite été condamne en premièreinstance a 2 ans de prison ferme ou au paiementd’une amende de 30.000 shilling tanzaniens et la peine a par la suite,été confirméepar la Haute Cour et la Cour d’Appel. Le Requérant maintient qu’il est tanzanien de naissance tout comme ses parents le sont. Le Requérant a alors saisi la Cour le 2 juin 2015, d’une Requête alléguant que l’Etat Défendeura violé sondroit àla nationalité, son droit àla libertéde mouvement et de ne pas être dé tenu de manière illégale.Le Requérant allèguela violation de la Constitution tanzanienne, de «l’article 59 (1) du Protocole [additionnel]1 a la Convention de Genèvede 1949»et des articles 1 et 12(1) et (2) de la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples.

Le Requérant demande à la Cour de le déclarer tanzanien et également d’ordonner sa libération. LeRequérant a aussi demandé des réparations pour le préjudice matériel et moral pour lui-même et sa mère comme victime indirect. L’Etat Défendeur a soulevé deux exceptions matérielles portant notamment sur la forme et le contenu de la requête et sur le pouvoir de la Cour d’apprécier des questions de preuves. L’Etat Défendeur au aussi demande à la Cour de rejeter toute forme de réparation du fait que selon elle le Requérant n’a pas apporté la preuve des violations alléguées.

L’Etat Défendeur dit que le Requérant n’a jamais été tanzanien et qu’il possède aussi la nationalité de deux autres pays notamment l’Afrique du Sud et le Royaume Uni.Pour l’Etat Défendeur,les procéduresinternesse sont passéesconformémenta la loi et les droits du Requérantont été respectés.

La Cour, conformément à l’article 3(1) du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (le Protocole), devait procéder à l’examen de sa compétente en la matière. Elle a estimé qu’elle avait la compétence matérielle, la requête portant sur des griefs portant sur la question de savoir si les procéduresinternes étaientconformes aux normes internationales relatives au droit àun procèséquitableet garanti par la Charte et d’autresinstrument internationaux ratifies par l’Etat Défendeurde l’homme protégés par la Charte et d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme ratifiés par l’État défendeur. Elle a également estimé qu’elle avait la compétence personnelle, l’État défendeur étant partie au Protocole et ayant déposé la déclaration prescrite à l’article 34(6) du Protocole par laquelle il accepte que des individus, en l’occurrence les Requérants, saisissent la Cour, conformément à l’article 5(3) du Protocole. La Cour a en outre déclaré qu’elle avait la compétence temporelle, les violations alléguées étant de nature continue et enfin, qu’elle avait compétence territoriale, les faits de la cause s’étant produits sur le territoire de la Tanzanie, État partie au Protocole. La Cour a ainsi conclu qu’elle était compétente en l’espèce. En ce qui concerne la recevabilité de la requête, la Cour, en vertu de l’article 6 du Protocole et de l’article 39 de son Règlement intérieur (le Règlement), a examiné si elle avait respecté les conditions de recevabilité prévues aux articles 56 de la Charte et 40 du Règlement. La Cour a conclu, à l’unanimitéque la requêteest recevable.

Les 19 et 20 mars 2018, la Cour a tenu une audience publique, les deux parties ont pris part et ont fait comparaitre des témoins pour défendre leurs arguments.

La Cour a rendu son arrêt le 28 novembre 2019 au coursde sa 55 eme session ordinaire tenus à Zanzibar du 4 au 29 novembre 2019. Sur le fond, concernant le droit à la nationalité, la Cour a estimé à la majorité de six pour et deux contre, les juges Niyungeko Bensaoula ayant voté contre, que l’Etat Défendeur n’a pas été en mesure de démontrer que le Requérant n’est pas tanzanien de naissance et par conséquent, l’Etat a violéson droit à la nationalité reconnu par l’article 5 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples.

Comme conséquence de cette violation du droit à la nationalité, à l’unanimité, la Cour a conclu à la violation de son droit à la liberté et à la sécurité (article 6 de la Charte), son droit de circuler librement et de choisir sa résidence (article 12 de la Charte) de la violation de l’article 1 de la Charte.En ce qui concerne les réparations, la Cour a rejeté la demande du Requérant pour les réparationsmatériellesestimant que ce dernier n’avait fourni aucune preuve. Par contre,la Cour a reconnu que la longue détention illégaledont il a été l’objet, a certainement eu des conséquencessur son moral et celui de sa mèrecomme victime indirecte et a donc condamné l’Etat Défendeuràleur verser des réparations.

La Cour a ordonné à l’Etat Défendeur de libérer le Requérant de prison immédiatement, de lui payer comme réparation du préjudice moral consécutifde la détentionillégale, la somme de dix millions de shillings tanzaniens et la somme et un montant supplémentaire de trois cent mille shillings tanzanien pour chaque mois de détention illégale. La Cour a aussi accordé la somme decinq millions de shillings tanzaniens àla mère du Requérant pour lepréjudice moral subi en tant que victime indirecte.

Versions francaises des documents disponibles au site web de la Cour africaine.

 

Themes: Normes africaines, Perte et déchéance de la nationalité
Regions: Tanzanie, Pan Afrique
Year: 2019