Apatridie et Nationalité dans la Communauté de l’Afrique de l’Est
Published: 14/Nov/2018
Source: UNHCR
Par Bronwen Manby
Principales conclusions et recommandations
Ampleur de l’apatridie
Il n’est pas possible de déterminer le nombre de personnes apatrides dans les États Partenaires de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), mais il est clair que des dizaines de milliers de personnes sont à risque d’apatridie, et que beaucoup d’entre elles sont effectivement apatrides. Les personnes apatrides ou à risque d’apatridie sont notamment les descendants des personnes qui ont migré depuis un autre endroit, bien souvent il y a des années, avec leurs enfants ; les membres des populations transfrontalières, et les enfants qui ne sont pas en mesure de faire valoir les droits issus de leurs parents. Un grand nombre de ces personnes découvrent seulement maintenant que leur nationalité est incertaine, au moment de l’introduction de nouvelles cartes d’identité ou de la refonte des anciens systèmes.
Impact de l’apatridie
L’apatridie et la discrimination dans l’accès à la nationalité et aux pièces d’identité ont un impact négatif important sur la capacité des personnes et des groupes à jouir du respect de leurs droits humains fondamentaux et à participer pleinement à la vie économique, sociale et politique du pays.
Cadres juridiques
Seul le Rwanda dispose d’un cadre juridique pour l’administration de la nationalité qui soit conforme dans l’ensemble aux normes internationales et africaines en matière de prévention et de réduction de l’apatridie. Plus important encore, aucun des cinq autres pays n’a les protections requises par la Charte africaine des droits de l’homme et du bien-être de l’enfant (CADBE) contre l’apatridie des enfants. Si la plupart de ces pays ont une disposition applicable aux enfants trouvés, il existe peu de clauses de protection pour les enfants qui seraient autrement apatrides. Les lois qui sont basées uniquement sur la filiation dans l’attribution de la nationalité à la naissance, et qui limitent l’accès à la naturalisation dans la pratique, font peser un risque d’apatridie sur un grand nombre de personnes. Ceci est encore exacerbé lorsque la loi manque de clarté ou que différents textes de loi se contredisent, ce qui est le cas au Burundi et en Tanzanie. Bien que les États Partenaires de la CAE abritent des centaines et des centaines de milliers de populations pastorales nomades, les lois sur la nationalité sont très mal adaptées pour répondre aux besoins des personnes qui n’ont pas un mode de vie sédentaire.
Régularité des procédures et transparence
Un excès de pouvoir discrétionnaire dans les décisions sur les questions de nationalité engendre des risques majeurs d’apatridie et de violation des autres droits.
Coopération régionale et efforts de réduction de l’apatridie
Les Pays Partenaires de la CAE ont fait de gros efforts pour essayer de résoudre les questions de l’apatridie. Ces efforts pourraient être encore renforcés à travers des mécanismes de coopération régionale, sous l’égide d’institutions régionales telles que la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL). En octobre 2017, les 12 États membres de la CIRGL (dont tous les États Partenaires de la CAE font partie) ont adopté la Déclaration de Brazzaville et le Plan d’action régional pour l’éradication de l’apatridie.
Actions prioritaires
Afin de renforcer les systèmes sur la nationalité et de s’atteler au risque d’apatridie causé par la migration historique et contemporaine, les actions prioritaires pour la CAE et ses États Partenaires, collectivement et individuellement, devraient porter sur les axes suivants :
- Suppression des dispositions législatives et des procédures administratives qui discriminent sur la base du sexe ou de la naissance dans le mariage ou hors mariage.
- L’examen des dispositions législatives qui discriminent sur la base de la race, de la religion, de l’appartenance à une ethnie ou à un groupe autochtone, afin de s’assurer qu’elles sont conformes aux normes internationales et africaines en matière de non-discrimination.
- L’adhésion aux conventions internationales et africaines en matière de droit à une nationalité ; la prévention et la réduction de l’apatridie et la protection des apatrides.
- L’incorporation dans leurs lois nationales des mesures pour la prévention et la réduction de l’apatridie contenues dans ces traités, tout particulièrement l’attribution de la nationalité du pays de naissance à un enfant qui serait autrement apatride.
- La mise en place de procédures dans les pays et en collaboration avec les autres pays, afin d’identifier les populations à risque d’apatridie ; l’identification de la nationalité des personnes dont le statut est incertain ; la reconnaissance, en tant que mesure intérimaire, d’un statut « d’apatride » lorsqu’aucune nationalité existante ne peut être définie ; et la facilitation de la naturalisation pour les apatrides.
- L’approfondissement des réformes des lois sur la nationalité, pour créer dans l’ensemble des États au minimum des droits fondamentaux à la nationalité qui proviennent de la naissance et de la résidence dans un pays pendant l’enfance : à savoir, la mise en place d’un moyen pour les enfants de migrants d’être intégrés dans la communauté nationale (même si les parents ne sont pas naturalisés).
- La réforme des procédures de naturalisation pour les rendre accessibles à un plus grand nombre de personnes, en particulier aux ressortissants des autres États Partenaires de la CAE, y compris les réfugiés et les anciens réfugiés.
La réalisation de l’enregistrement universel des naissances pour tous les enfants nés sur le territoire d’un pays.
En francais: Apatridie et Nationalité dans la CAE
En anglais: Statelessness and citizenship in the East African Community