Etude sur l’Apatridie et le risque d’Apatridie en République du Niger

Published: 1/Apr/2021
Source: UNHCR

RESUME EXECUTIF

La République du Niger a souscrit à l’essentiel des conventions internationales et régionales visant à lutter contre le phénomène de l’apatridie. Au niveau universel, le pays a ratifié la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie. Ces deux conventions forment le noyau dur des garanties en termes de prévention de l’apatridie et de protection des personnes apatrides. Au niveau régional africain, le Niger a activement pris part aux négociations pour l’adoption du Protocole de l’UA sur le droit à une nationalité et l’éradication de l’apatridie en Afrique. Au plan sous régional ouest africain, il est signataire de la Déclaration d’Abidjan et du Plan d’action de Banjul, qui sont des étapes-clés des efforts de lutte contre l’apatridie à l’échelle de la CEDEAO.

Conscient des différentes obligations qui découlent de ces engagements, le Niger a entrepris des reformes encourageantes visant à garantir le droit pour toutes les personnes se trouvant sous sa juridiction d’accéder à des documents d’état civil. C’est ainsi que, dans le domaine de l’état civil, trois séries de reformes (la première en 1985 avec l’adoption de l’ordonnance N°85-005 du 29 mars 1985; la deuxième 2007 avec l’adoption de la loi n°2007- 30 du 3 décembre 2007 portant régime de l’Etat Civil au Niger et la troisième avec l’adoption de la loi n°2019-29 du 1er juillet 2019), ont permis de rehausser relativement le niveau d’enregistrement des faits d’état civil, en conformité avec les engagements pris dans le cadre du programme africain pour l’accélération de l’enregistrement des faits d’état civil, la production des statistiques de l’état civil de l’UA et les conférences des ministres africains en charge de l’état civil. Les reformes ont également visé le régime de la nationalité. Ainsi, à travers plusieurs modifications du code de la nationalité en 1999 et 2014, le Niger a éliminé la discrimination basée sur le genre dans la transmission de la nationalité et introduit une disposition autorisant la double nationalité. Pour mieux protéger les personnes déplacées internes face aux risques de perte de leurs documents, le Niger a été le premier pays d’Afrique à adopter une loi sur la protection et l’assistance des personnes déplacées dans leur propre pays, conformément à la Convention de Kampala de 2009. En 2019, le pays s’est doté d’un plan national de lutte contre l’apatridie. Enfin, pour faciliter la coordination des actions en matière de lutte contre l’apatridie, l’Etat du Niger a nommé un Point Focal du Gouvernement auprès du Ministère de la Justice.

En dépit de ces actions encourageantes, les recherches et analyses effectuées dans le cadre de cette étude ont permis de déceler des insuffisances dans le dispositif d’intervention. Ces insuffisances tiennent d’abord aux textes juridiques qui recèlent encore quelques lacunes ainsi qu’à la jurisprudence qui est balbutiante. A cet égard, le Code de la nationalité, la loi portant régime de l’état civil, la loi fixant le statut des réfugiés ainsi que plusieurs textes entrant en interaction avec le Code de la nationalité présentent des vices susceptibles d’engendrer des cas de risque d’apatridie. Les insuffisances concernent ensuite le dispositif institutionnel et les pratiques qui renferment de nombreux obstacles à l’efficacité de la lutte. Sur ce plan, on peut évoquer, entre autres contraintes, les défaillances des structures étatiques (en première ligne figure la défaillance du système d’état civil), le défaut de spécialisation des ONG aux questions d’apatridie, l’absence de coordination entre les acteurs de la chaîne de protection et les pesanteurs sociales.

A ces différentes insuffisances du système administratif, juridique et social, il convient d’ajouter l’état de pauvreté généralisée du pays et l’insécurité chronique qui fragilisent les capacités d’intervention de l’Etat et exposent dangereusement des centaines de milliers de personnes (nigériens et étrangers) à des situations de non droit. Enfin, la position géographique du pays, entre l’Afrique centrale et l’Afrique du nord, censée être un atout pour son développement, l’expose impuissamment aux flux migratoires et aux criminalités transfrontalières. Malheureusement dans ce contexte de menaces pressantes et permanentes, on observe d’importantes catégories de communautés exposées au risque d’apatridie.

L’étude met en évidence l’existence de plusieurs groupes de nationaux et d’étrangers apatrides ou à risque d’apatridie. Chez les nationaux, il s’agit notamment des personnes refoulées d’Algérie et de la Libye, des déplacés internes, des enfants non accompagnés, des enfants portés par des femmes mentales, des talibés, des enfants de la rue, de certaines populations vivant à proximité des frontières avec les pays voisins tels que le Nigéria, l’Algérie, le Mali ou encore le Burkina Faso et des populations vivant sur les sites d’orpaillage. Chez les étrangers présents au Niger, l’apatridie (dans une moindre mesure) et le risque d’apatridie sont perceptibles chez les réfugiés et les migrants. Ces deux populations en déplacement et à l’état de vulnérabilité multidimensionnelle sont régulièrement confrontées à des problèmes de documents d’identification.

Pour faire face à ces insuffisances relevées par l’étude, les auteurs ont formulé un certain nombre de recommandations à mettre en œuvre graduellement à l’endroit de l’Etat, du HautCommissariat des Nations Unies pour les réfugiés et des autres partenaires de la chaine de la lutte contre l’apatridie. Ces recommandations sont formulées dans l’objectif de réduire substantiellement les risques d’apatridie identifiés, mais aussi de revoir le système de protection des personnes qui seraient reconnues apatrides sur le territoire national.

Réalisée par une équipe du Laboratoire de Recherche et d’Analyse sur le développement Economique et social (LARADES) de l’Université de Tahoua composée de :
Coordonnateur :
– M. Abdoulaye HAMADOU
Membres :
– M. Hamadou SOUMANA
– M. Ibrahim HAROUNA ZAKARI
– M. Laouali AMADOU
– M. Larwana SANI MANI

Rapport daté d’avril 2021, publié en avril 2023

Telecharger de REFWORLD: https://www.refworld.org/docid/647760894.html

 

Themes: Acquisition of nationality, Naturalisation and Marriage, Nationality and Refugees, Statelessness
Regions: Niger
Year: 2021